Pastorale des jeunes

«Je vois des signes d’espoir »

Un mois et demi avant les Journées Mondiales de la Jeunesse, il reçoit un appel de l'organisation. Le défi? Réveiller les 2 millions de jeunes le dimanche matin avant la messe d'envoi. C'est ainsi que le monde à découvert l'abbé Guilherme. Il était la tête d'affiche de l'édition 2024 du Festival Crossfire. Rencontre.

Qui est l’abbé Guilherme?

L’abbé Guilherme est un prêtre qui a toujours voulu être prêtre. Je n’ai jamais voulu faire autre chose, depuis tout petit, depuis que je suis né. Je regardais toujours le prêtre de ma paroisse et j’aimais être comme lui et je m’identifiais à lui.

Je suis entré au séminaire à 13 ans, très jeune encore. J’ai suivi tout le parcours du séminaire et j’ai toujours fait quelque chose de plus. C’est-à-dire que j’ai toujours été impliqué dans des activités extrascolaires, que ce soit le théâtre ou la musique.

La musique est quelque chose de spécial dans ma vie.

Et comme prêtre, toute cette dynamique qui vient du séminaire m’a beaucoup marqué au point qu’aujourd’hui l’autel n’est pas le seule lieu d’évangélisation, mais aussi en dehors de l’Église. La musique est quelque chose de spécial dans ma vie.

Et le père Guilherme, c’est tout cela : la foi, la vocation, la mission, le service, que ce soit dans l’Église au niveau des paroisses ou dans l’Église des Forces Armées. Tout cela est uni par la foi et par l’Esprit de Dieu.

Vous avez dit que, en plus d’être prêtre de deux paroisses, vous êtes aussi aumônier militaire et DJ. Votre journée a-t-elle plus de 24 heures ?

Le secret, je pense, c’est de respirer.

Nous allons là où l’Église nous appelle. Avec la conscience que ce n’est pas nous qui changeons le monde, ni sommes nous qui convertissons quelqu’un. Celui qui convertit, c’est le Christ.

Notre mission est, avec notre temps, notre disponibilité, de semer, souvent de faire le premier annonce, mais sans cette perspective de comptabilité. Sans l’idée de “je vais utiliser ce temps pour ce qui rapporte le plus au niveau missionnaire”. Non !

Il est important que l’Église soit présente dans les endroits les plus variés et que nous ne soyons pas préoccupés par cette comptabilité. La comptabilité n’est pas pour nous. La mission est de semer, de proclamer, de témoigner. Mais ensuite, c’est le Christ qui convertit.

Naturellement, il est impossible d’être partout en même temps. Mais nous ne pouvons
pas non plus nous réfugier dans cette ou cette autre occupation pour ne pas servir l’Église.

À une époque où l’on parle beaucoup de santé mentale, pensez-vous que nos prêtres devraient
être encouragés à avoir un passe-temps, à faire autre chose que ‘simplement’ être prêtre ?

Je ne considère pas la musique comme un passe-temps parce que la musique n’est plus un passe-temps. La musique est déjà un moyen très fort d ’évangélisation, dans lequel je ne suis pas seul. Il y a déjà une grande équipe avec moi. Un passe-temps serait quelque chose de personnel. La musique n’est plus seulement une chose à moi, elle appartient aussi à l’équipe qui m’aide à être ici. C’est une grande responsabilité.

Mais quand nous parlons de la santé mentale, y compris de ceux qui servent l’Église, il est important que tout soit uni. Nous ne sommes pas un patchwork. Il est important que ce que nous faisons ait du sens et soit pour le Christ. Il y a des prêtres qui sont poètes, des prêtres qui sont historiens, des prêtres qui sont professeurs, des prêtres qui sont artistes plastiques, des peintres, mais tout est intégré. Bien sûr, le prêtre, quand il peint, s’il aime la peinture, il trouve aussi une autre manière de parler du Christ, de vivre.

Nous ne pouvons pas non plus nous réfugier dans cette ou cette autre occupation pour ne pas servir l’Église.

Nous ne pouvons pas dire, et je ne le dis pas, que la musique est une échappatoire. Non ! La musique fait partie de l’être. Notre échappatoire, c’est le Christ, c’est Lui qui est toujours avec nous et c’est vers Lui que nous nous échappons et vers Lui que nous cheminons, n’est-ce pas ? Avec le Christ, nous n’avons pas besoin d’échappatoires, n’est-ce pas ? Notre échappatoire est de pouvoir Le voir un jour face à face, n’est-ce pas ? Et c’est vers là que nous marchons.

Un prêtre doit se reposer et a besoin de se reposer, c’est une nécessité. La musique n’est pas un passe-temps parce que j’ai besoin de me reposer de la musique, j’ai besoin de me reposer des paroisses, de la vie militaire. Mais ensuite, comment vais-je intégrer le repos tout en continuant à être prêtre ? Parce que même en me reposant, je ne cesse pas d’être prêtre.

L’abbé Guilherme en action. Photo par João Carita

L’important est que tout ce que nous faisons, que ce soit le travail ou quelque chose d’inattendu. L’important est que tout soit intégré. Même si le prêtre est avec des amis, même si le prêtre est en vacances, tout doit avoir du sens. Parce que notre vie n’est pas un patchwork, sinon notre esprit aussi serait un patchwork.

Comment les autres prêtres du diocèse, ou en-dehors, vous perçoivent-ils ? Y a-t-il un peu de jalousie
ou d’incompréhension ?

Dans l’Église, il y a de tout. Parce que l’Église marche vers la sainteté, mais elle est faite de pécheurs.

Que ce soit entre les prêtres, ou en dehors de l’Église, il y a ceux qui aiment, et ceux qui n’aiment pas il y a ceux qui soutiennent, et ceux qui ne soutiennent pas… L’important est : Quelle est la mission ? Quel est le focus ? Bien discerner la mission et ensuite aller de l’avant, sans peur. Nous ne pouvons pas attendre.

Je ne le fait pas pour l’acceptation humaine et je ne le fait pas pour que les prêtres applaudissent. C’est pour essayer, à ma manière, qui compréhensible pour moi et peut être incompréhensible pour d’autres. Ce qui a du sens pour moi et qui est intégré comme un tout, mais pour un autre prêtre, cela peut ne pas avoir de sens. Je ne peux pas orienter ma vie en fonction de ce que tous les prêtres pensent ou si tous sont en accord avec ce que je fais.

Je ne le fait pas pour l’acceptation humaine et je ne le fait pas pour que les prêtres applaudissent.

On dit souvent : Christ, qui est Christ, n’a pas plu à tout le monde, le Pape, qui est le Pape, ne plaît pas à tout le monde, combien plus un prêtre qui est DJ plaira à tout le monde.

Il est normal que dans l’Église, il y ait beaucoup de gens qui n’aiment pas. Mais encore une fois, le focus n’est pas l’acceptation, le focus c’est d’expérimenter d’autres moyens d’amener le Christ dans des lieux où Il n’entre habituellement pas.

Comment se passe votre processus créatif ? Qu’est-ce qui vous inspire ?

« La musique est louange à Dieu ».

Photo par João Carita

D’abord, c’est le message! Dans l’Église, tout tourne autour du message, de la Parole: “Le Verbe s’est faite chair et a habité parmi nous”. Alors dans la musique, c’est pareil. Quel message vais-je transmettre ? Et quel est le public ? Est-ce un public d’Église ou non ?

Parce que si c’est un public d’Église, il y a un chemin qui est déjà fait et le message va dans ce sens. Si ce n’est pas un public d’Église, je dois comprendre que souvent, mon travail n’est pas tant de célébrer la foi mais parfois de faire une première annonce. Alors je dois avoir de la musique en lien avec la célébration de la foi, comme aujourd’hui, quand c’est lié à l’Église. Mais je dois aussi avoir un spectacle qui fonctionne presque comme une première annonce.

S’il y a des personnes qui n’entrent pas dans l’église, comment puis-je leur parler ? Je dois sortir.

Ensuite, je dois aussi comprendre où je vais jouer parce que l’intensité sonore varie aussi. Si c’est une scène en plein air pour des milliers de personnes, la musique peut avoir un peu plus de force. Si c’est une petite scène, dans une salle fermée, alors le registre sera différent.

Souvent, la même musique est créée en deux registres différents pour pouvoir être utilisée dans des situations variées.

Cette idée d’adapter le langage, le style au lieu, mais aussi au public, est-elle inspirée par l’image du Pape François qui demande aux pasteurs d’avoir l’odeur des brebis ?

Exactement.

Il y a un texte qui m’a beaucoup inspiré. C’est un text assez ancien du Pape François où il nous défi d’aller aux périphéries, de sortir de l’Église. Et nous devons trouver des moyens pour aller à la rencontre de ceux qui ont connu le Christ, mais n’ont jamais approfondi la relation et se sont éloignés, ainsi que de ceux qui ne l’ont jamais connu.

Si nous restons enfermés dans les églises, cela peut être sympathique pour nos communautés. Surtout parce que c’est au sein de la communauté que le prêtre a le plus de problèmes, parce que la communauté nous voit comme “c’est notre curé”. Ce n’est pas le prêtre de l’Église, c’est le nôtre.

Mais c’est le prêtre que l’Église nous a donné pour être avec nous, mais c’est le prêtre de l’Église et pour l’Église ! Bien sûr, il est le pasteur, mais il doit aller à la rencontre des autres. Et c’est cette dimension missionnaire de ne pas nous installer dans la routine, mais de trouver, de toutes les manières possibles,
des moyens d’atteindre tout le monde.

Quand le monde commence à connaître le Christ, il ne reste pas indifférent.

Parce que, comme le disait le Pape François, l’Église est pour tous, tous, tous. Sans exception! Si c’est pour tous, tous, tous et qu’il y a beaucoup de gens qui depuis des années n’entrent pas dans l’église. La seule possibilité de les rencontrer est de sortir de l’église. S’il y a des personnes qui n’entrent pas dans l’église, comment puis-je leur parler ? Je dois sortir.

Et la musique permet de sortir. Elle permet de porter un message de foi, de paix, d’espérance, d’amour du prochain, d’amour de la nature. Parce que quand le monde commence à connaître le Christ, il ne reste pas indifférent. Le problème est que le bien qui se fait n’est souvent pas une nouvelle, la nouvelle est le mal.

Il y a une phrase que nous disons au Portugal: “si un chien mord un homme, ce n’est pas une nouvelle. La nouvelle, c’est quand un homme mord un chien.” Ici en Suisse, ce doit être pareil, mais au Portugal, nous avons un travail fabuleux qui est pratiquement inconnu.

Par exemple, au niveau de l’action sociale, il y a beaucoup de prêtres qui, en plus des paroisses et du service sacramentel normal, ont des centres sociaux fantastiques. Ils soutiennent beaucoup de gens qui, s’ils n’étaient pas là, n’auraient nulle part où s’occuper des personnes âgées et leur offrir les dernières années avec affection, avec qualité de vie. Parce que souvent, les familles n’ont pas les moyens. Que ce soient les personnes âgées, que ce soient les enfants dans les crèches, les écoles maternelles.

Au Portugal, cette réalité est encore inconnue ou ignorée par beaucoup mais c’est aussi une présence de l’Église qui est fantastique. Ce que nous n’arrivons souvent pas à faire comprendre au monde, c’est le bien que l’Église fait et ce que l’Église construit. Pas seulement ici en Europe, en Suisse, mais aussi en Afrique, en Amérique du Sud…

Combien de missions dans d’autres pays, sur d’autres continents, sont le fruit du travail des prêtres et de l’engagement des chrétiens en Suisse. Combien d’argent, par exemple, parvient aux missions par le biais des ordres religieux qui part de la Suisse ? L’Église est un signe d’espoir sur d’autres continents, grâce à cela.

La communication est l’un des grands défis de l’Église. Comment l’Église peut-elle faire comprendre aux gens ce qu’elle fait ? Parce que lorsqu’ils comprennent, même s’ils n’ont pas la foi, ils respectent. Il y a beaucoup de gens qui, même sans une foi forte, s’ils voient quelque chose de beau se passer dans leur communauté, peuvent collaborer et aider.

Ce que je fais est plus exposé dans les médias, sur les réseaux sociaux, mais ce n’est rien comparé à ce que l’Église fait au Portugal, fait dans le monde. Chacun à son niveau, chaque prêtre, selon ses talents, les met au service des autres.

La grande salle de la paroisse de Belfaux était assez petite pour accueillir tout le monde. Photo par João Carita

Pourrons-nous un jour voir une messe animée par un DJ ? Avec de la musique électronique ?

Je dis souvent que ce qui est le plus beau dans la musique électronique, c’est le facteur humain. Donc, quand nous parlons de musique électronique, nous pouvons parler de machines qui produisent des sons. Mais quand nous ajoutons la composante humaine, c’est fabuleux. La musique électronique, avec la composante humaine et travaillée avec sacralité. Je crois que oui, c’est possible.

Comment l’Église peut-elle faire comprendre aux gens ce qu’elle fait ?

Mais ça doit être fait avec cette intention. Il faut que ça soit de la musique sacrée-électronique. Mais toujours de la musique sacrée !

Par exemple, lors de la dernière convention de musique sacrée au Vatican, l’un des ateliers portait sur la musique sacrée électronique et j’y étais. Cela va arriver quand il y a le facteur humain, parce que la musique est une louange à Dieu. Pour louer, nous devons avoir le facteur humain. Au fond, si nous avons un tambour, c’est déjà de la musique électronique, c’est du rythme. La musique sacrée électronique doit toujours avoir le facteur humain.

Ou alors dans un ou un autre moment de silence de la liturgie par exemple l’offertoire, cela peut être de la musique électronique, mais une qui nous élève l’âme pour le mystère que nous célébrons. Donc, c’est un défi qui pourrait être possible, mais pour le construire, il ne peut pas être construit uniquement avec des producteurs de musique électronique. Il doit aussi être produit avec des musiciens qui comprennent et savent faire de la musique sacrée pour que tout se fonde.

Que disent vos yeux ?

Ils me disent qu’il y a beaucoup de belles choses qui se passent dans le monde avec les jeunes.

Ce festival Crossfire en est un signe, mais pas seulement ici en Suisse, aussi dans d’autres pays. L’Église comprend qu’elle n’a pas à faire des choses pour les jeunes, mais à créer des concepts avec eux pour qu’ils puissent célébrer la foi avec irrévérence, avec joie.

Je vois des signes d’espoir, à l’approche du Jubilé de l’Espérance à Rome l’année prochaine. Mais les Journées Mondiales de la Jeunesse ont éveillé, ont apporté beaucoup de signes d’espoir. Les Journées Mondiales de la Jeunesse, depuis le Chemin de Croix, qui a été un moment magnifique de la journée, depuis le Festival de la Jeunesse.

Tout cela vient défier l’Église de construire, à son niveau, avec les jeunes, des moments de célébration. Des moments de prière, nous avons déjà dans l’Église mais nous devons construire des moments de célébration en dehors de l’Église, où les jeunes peuvent amener leurs amis, où les amis peuvent voir que dans l’Église, on prie d’une certaine manière, mais on s’amuse aussi de manière saine et belle, n’est-ce pas?

Donc, ce que je vois, ce sont des signes d’espoir.