Vatican
«Espère» : L’autobiographie du pape souligne des résistances au sein de l’Église et plaide pour l’inclusion des divorcés et des homosexuels
Publié le 15 janvier 2025
Dans son autobiographie Spera (Espère), publiée hier, le pape François revient sur les défis et les résistances rencontrés au cours de son pontificat, tout en affirmant sa vision inclusive de l'Église.
« Dans l’Église, tout le monde est invité, y compris les divorcés, les homosexuels et les personnes transgenres », écrit-il, retraçant son parcours depuis son enfance à Buenos Aires jusqu’à son rôle de pontife.
Le pape souligne : « Si le Seigneur dit tout le monde, qui suis-je pour exclure quelqu’un ? »
Le pape se souvient de la première fois qu’un groupe de personnes transgenres est venu au Vatican et déclare : « Elles sont sorties en pleurant, émues. »
« Ce sont des enfants de Dieu ! Ils peuvent recevoir le baptême dans les mêmes conditions que les autres fidèles, être acceptés comme parrains ou marraines, ainsi que témoins d’un mariage. Aucune loi du droit canonique ne l’interdit », affirme le pape.
Dans un chapitre intitulé « Tous dehors et tous dedans », le pape reconnaît qu’« il existe toujours des résistances, souvent liées à un manque de connaissance ou à une certaine forme d’hypocrisie ».
« Je pense à l’exhortation apostolique Amoris laetitia — qui a ouvert grand les portes aux nouveaux défis pastoraux dans le domaine de la famille — et à cette note concernant la possibilité pour les divorcés d’accéder aux sacrements, ce qui a fait que certains ont déchiré leurs vêtements. Les péchés sexuels sont ceux qui provoquent le plus d’agitation chez certains. Mais en réalité, ils ne sont pas les plus graves », souligne-t-il.
L’ouvrage aborde également la polémique suscitée par la déclaration Fiducia supplicans du Dicastère pour la Doctrine de la Foi, signée en décembre 2023, concernant les bénédictions aux personnes en situation irrégulière.
« Ce sont les personnes qu’on bénit, pas les relations », précise le pape.
François déplore que plus de 60 pays dans le monde criminalisent encore les homosexuels et les transgenres, dont une dizaine appliquent même la peine de mort.
« L’homosexualité n’est pas un crime, c’est un fait humain, et l’Église ainsi que les chrétiens ne peuvent, par conséquent, rester indifférents face à cette injustice criminelle », écrit-il.
Le pape met également en garde contre l’effacement des différences, critiquant la « théorie du genre », et juge « inacceptables toutes pratiques qui réduisent la vie humaine — qui dès la conception est un don et un droit inaliénable — à un objet de contrat ou de marchandisation, comme cela se produit avec ce qu’on appelle la maternité de substitution ».
Tout au long du chapitre, le pape François insiste sur l’idée que « tous sont appelés » et critique ceux qui « voudraient transformer la maison du Seigneur en un club avec une sélection à l’entrée ».
« L’Évangile s’adresse à tous et ne condamne ni les personnes, ni les classes, ni les conditions, ni les catégories, mais les idolâtries, comme celle de la richesse qui rend les gens injustes et insensibles au cri de ceux qui souffrent. Même le pape appartient à tous. D’abord aux pauvres pécheurs, à commencer par moi », souligne-t-il.
François affirme que la mission des ministres de l’Église est d’accompagner et « non d’exclure », en rappelant que, en plus de 50 ans de sacerdoce, il ne lui est arrivé qu’une seule fois de ne pas donner l’absolution, car la personne avait quitté le confessionnal avant la fin.
« L’orgueil est le vice le plus troublant, une auto-exaltation qui empoisonne le sentiment de fraternité et révèle la prétention pathétique et absurde de devenir Dieu », avertit-il.
Le pape partage également des souvenirs marquants, comme celui d’un jeune Japonais qu’il a baptisé dans la sacristie après un accompagnement spirituel, ou celui où, en tant que cardinal, il a baptisé « les sept enfants d’une femme seule, une pauvre veuve employée de maison ».
« Notre foi ne s’arrête pas devant les blessures et les erreurs du passé, mais va au-delà des préjugés et des péchés », déclare-t-il.
Analyse du traditionalisme et des nouvelles règles liturgiques
Le livre aborde le « phénomène du traditionalisme » et explique les nouvelles règles concernant les célébrations avec le missel préconciliaire en latin, désormais soumises à une autorisation explicite du Dicastère pour le Culte Divin dans des cas spécifiques.
« Il n’est pas sain que la liturgie devienne une idéologie », justifie François, dénonçant une « ostentation de cléricalisme, qui n’est rien d’autre que la version ecclésiastique de l’individualisme ».
Selon le pape, « la liturgie ne peut être un rite isolé, séparé de la pastorale, ni un exercice de spiritualisme abstrait enveloppé dans une vague idée de mystère. La liturgie est une rencontre, un nouveau départ vers les autres ».
Le Concile Vatican II : une mission inachevée
François estime que le Concile Vatican II, conclu en 1965, « n’a pas encore été entièrement compris, vécu et appliqué ».
« L’Église n’est pas une cour, elle n’est pas un lieu pour les accords, les faveurs, les manœuvres. Elle n’est pas la dernière cour européenne d’une monarchie absolue. Avec Vatican II, l’Église est le symbole et l’instrument de l’unité de tout le genre humain », affirme le pape.
En regardant ses presque 12 années de pontificat, François affirme que « les décisions les plus difficiles, les plus douloureuses, ont été prises après des consultations et des réflexions, en recherchant l’unanimité et dans une voie synodale ».
« La réforme de la Curie romaine a été la plus difficile et celle qui a rencontré les plus grandes résistances au changement pendant le plus longtemps, notamment dans la gestion économique », révèle-t-il.
« J’ai été appelé à un combat, je sais que je dois le mener, mais ce n’est en aucun cas une lutte personnelle, et encore moins solitaire », ajoute-t-il.
Le Pape évoque son prédécesseur, Benoît XVI, comme « un père et un frère ».
« Nous avons toujours eu une relation authentique et profonde et, au-delà de toute légende construite par ceux qui se sont appliqués à dire le contraire, il m’a aidé, conseillé, soutenu et défendu jusqu’à la fin », affirme François.
Il déplore l’« instrumentalisation » du moment de la mort du Pape émérite, le 31 décembre 2022, ainsi que des jours qui ont suivi, notamment lors des funérailles, au début de 2023.
« C’est quelque chose qui m’a fait souffrir », admet-il.
Spera, publié par Mondadori, est disponible dans plus de cent pays, y compris en Suisse (chez Albin Michel), et a été écrit en collaboration avec Carlo Musso, ancien directeur éditorial de la non-fiction chez Piemme et Sperling & Kupfer.
Au fil de plus de 25 chapitres et 300 pages, François réfléchit sur des sujets tels que les conflits en Ukraine et au Moyen-Orient, les migrations, la crise environnementale, les politiques sociales, la condition des femmes, la sexualité, le développement technologique, l’avenir de l’Église et le dialogue entre les religions.
L’ouvrage contient également des photos privées et inédites issues des archives personnelles du pontife.
Le cardinal argentin Jorge Mario Bergoglio, alors âgé de 76 ans, est entré en conclave le 12 mars 2013 et a été élu dès le lendemain comme successeur de Benoît XVI, prenant le nom inédit de François.